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Les 5 incohérences du sédévacantisme par Réginald (2005-05-02 21:03:16) Imprimer

Chers liseurs,

Je tiens tout d’abord à dire que je suis très heureux de participer à ce débat sur le sédévacantisme. Merci à Xavier qui a bien voulu proposer ce débat. Que le vœu qu’il forme en demandant que les débats soient constructifs soit entend. A l’heure où j’écris ces lignes, j’ignore si beaucoup de liseurs sont inscrits, mais j’espère que c’est le cas, car le sédévacantisme pose de vrais problèmes, même s’il apporte de fausses réponses.


Le sédévacantisme en effet n’évite pas certains écueils, pose un certain nombre de problèmes d’ecclésiologie et tombe dans une erreur philosophique. Ce sont ces objections que l’on peut faire aux sédévacantistes que je voudrais rapporter ici afin de faire progresser le débat. Elle sont au nombre de cinq.

1) Une grande partie des manuels d’ecclésiologie est consacrée à l’étude de la Primauté pontificale. Appelons cette branche la « pétrologie », si l’on veut bien me pardonner ce néologisme. Cette branche s’appuie sur plusieurs textes de la Sainte Ecriture qu’il convient de rappeler ici : « Je te le dis, tu es Pierre (Céphas) et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et les portes de l’Enfer ne pourront rien contre elle » (Math 6 : 17-19) ; « J'ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Lc 22 :32). Or ces textes ne se contentent pas d’établir la primauté de Pierre, ils affirment la perpétuité de l’Eglise à savoir sa durée jusqu’à la fin du monde aussi bien dans l’immutabilité de sa doctrine que de sa constitution. On le voit, la subsistance de l’Eglise jusqu’à la fin du monde est intrinsèquement liée à la primauté pontificale qui en assure la cohésion. Cela se comprend aisément : si Pierre, et à travers lui tous ses successeurs, est le fondement de l’Eglise et que cette Eglise doit durer jusqu’à la fin du monde, cela signifie que la Papauté ne peut être abolie sans que périsse l’Eglise, car le fondement doit durer aussi longtemps que l’édifice lui-même. C’est exactement l’enseignement du Concile Vatican I qui affirme que l’Eglise est « bâtie sur un rocher et subsistera jusqu’à la fin des temps .» Or, bien que le sédévacantisme s’en défende, il met à mal cette vérité. En effet, dans la logique des sédévacantistes, c’est non seulement le Siège de Pierre qui est vacant, mais aussi l’ensemble des sièges épiscopaux, puisque le rite de consécration des nouveaux évêques est réputé invalide. La conséquence de tout ceci, c’est qu’il n’y a plus dans l’Eglise ni Pape, ni évêque, c’est-à-dire, en définitive, plus de magistère vivant, car les rares évêques fidèles sont dépourvus de juridiction ordinaire et donc ne peuvent pas pour cette raison constituer le magistère. L’Eglise se résout alors dans une poignée d’évêques fidèles, qui parce qu’il leur manque la juridiction, ne sauraient prétendre posséder des éléments pourtant constitutifs et indispensables de l’Eglise.

2) Une autre propriété essentielle de l’Eglise, qui découle de la première, est sa visibilité. On la définit habituellement comme cette qualité qui lui permet de se manifester extérieurement de façon sensible et d’être par conséquent aisément connaissable par les fidèles. Cette propriété est très nécessaire à l’Eglise car sans elle, l’Eglise cesse d’être facilement discernable par les hommes et la nécessité de lui appartenir devient caduque. Comment en effet peut-on affirmer que le fait d’y appartenir est d’une nécessité si grande qu’il est impossible d’être sauvé en dehors d’Elle si l’Eglise n’est pas facile à distinguer au milieu des communautés hérétiques ? Or là encore, le sédévacantisme met à mal cette vérité, car non seulement il enseigne que le Siège de Pierre est vacant, mais que celui-ci est occupé par un imposteur qui professe le contraire de la foi catholique. On aurait donc une Eglise qui pour une homme de bonne volonté aurait toute les apparences de l’Eglise, mais qui en fait ne serait qu’un simulacre d’Eglise. Cette affirmation obscurcit considérablement le dogme et finit par rendre la recherche de la vraie Eglise et son appartenance moralement impossibles.

3) Bossuet, pour montrer la fausseté de la religion prétendue réformée, écrivit sa célèbre Histoire des variations des Eglises protestantes. L’argument de l’auguste évêque de Maux est le suivant : les innombrables variations des Eglises protestantes sur une simple phrase « Ceci est mon corps » est une marque d’inconséquence et de fausseté qui montre bien que les protestants sont ne plus dépositaires de la vérité catholique. Sans me lancer dans une histoire du sédévacantisme, il faut bien constater que cette théorie est loin d’être unifiée. On ne compte plus les variations synchroniques et diachroniques sur le thème « le Siège de Pierre est vacant ». Il y a des conclavistes qui ont prétendu qu’il fallait élire un nouveau Pape et les non conclavistes qui s’y refusaient absolument ; il y a les partisans de « L’Eglise Eclipsée », les sédévacantistes intégraux et les sédéprivatistes. Parmi ces derniers, qui forment pourtant peut-être la forme la plus aboutie intellectuellement du sédévacantisme grâce au Père Guérard des Lauriers, on compte aussi de graves divisions : certains sont favorables à la consécration d’évêques et d’autres y voient là l’œuvre du Malin : « Digitus Dei non est hic », selon le titre célèbre d’un article de l’abbé Belmont. Bref, combien de divisions a-t-on compté parmi les propagateurs de la thèse, combien d’anathèmes ont été jetés, combien de disputes entre des amis qui pourtant se retrouvaient dans une même profession de foi concernant le Siège de Pierre ont vu le jour ! Dira-t-on que c’est là une marque indubitable de la vérité de la thèse ? N’est-ce pas plutôt le contraire : le signe indubitable de sa fausseté ? L’erreur initiale n’en finit pas de se fragmenter en une multitudes de petites chapelles, qui bien qu’elles partagent la thèse de la vacance du Siège Apostolique, se trouvent incapables de proposer une théorie cohérente et s’épuisent dans des querelles intestines qui ne dépassent guère au niveau de l’audience que des lecteurs de bulletins on ne peut plus confidentiels.

4) Tous les théologiens sont d’accord pour reconnaître qu’un Pape est légitime par une acception pacifique de l’Eglise. Qu’il suffise ici de citer le cardinal Billot de vénérée mémoire : « l’adhésion universelle de l’Eglise est de soi toujours le signe de la légitimité de la personne du Pontife. » La raison en est simple : le Pontife romain est la règle vivante de la foi et Dieu ne peut permettre que son Eglise adhère à une foi fausse en adhérant à une fausse règle de la foi. Ce serait l’infaillibilité passive de l’Eglise, à savoir celle des fidèles donnant leur assentiment au message de la foi (infaillibilitas in credendo) qui aurait disparu. Voilà pourquoi, poursuit le Cardinal Billot, « Si Dieu peut permettre la vacance du siège pendant un certain temps, voire permettre qu’un doute se fasse au sujet de la légitimité de l’un ou l’autre élu, il ne peut pas permettre que l’Eglise toute entière adhère à un Pontife qui ne serait pas vrai et légitime. » (De Ecclesia Christi, Rome, 1927, p. 635) Or, même parmi les catholiques qui mettent en cause Vatican II, c’est-à-dire qui partagent substantiellement les positions doctrinales des sédévacantistes, la grande majorité a toujours reconnu la légitimité du Pape Paul VI et de ses successeurs, même s’ils se sont violemment opposés à ses réformes. Le sédévacantisme a toujours été une position minoritaire qui a heurté le « sensus fidei » des fidèles. De même, à ma connaissance, aucun membre du clergé de Rome, même parmi les traditionalistes, n’a remis en cause la légitimité de ces Papes. On pourrait faire la même remarque enfin à propos des évêques de la minorité conciliaire qui ne se sont jamais dressés contre le légitimité de Paul VI. Tous les évêques résidentiels, ordonnés validement selon l’ancien rite et nommés validement par Pie XII sur des sièges épiscopaux, ont toujours cru en la réalité de l’occupation du Siège Apostolique. C’est ici le signe indubitable que ces pontifes étaient légitimes, sans quoi la règle formulée par Billot et par les théologiens n’aurait plus aucun sens.

5) Le sédévacantisme se heurte enfin à une sérieuse objection d’ordre philosophique. Selon sa théorie la plus aboutie, le Pape serait Pape matériellement et non formellement car la formalité de la Papauté consisterait en l’acceptation de l’élection, acception rendue impossible du fait de « l’obex » (empêchement en latin) constitué par l’absence de volonté formelle chez Paul VI de procurer le bien de l’Eglise. Que les cardinaux préparent la matière de la Papauté et que Dieu en donne la formalité, personne ne le conteste. Il s’agit là de la plus pure doctrine catholique telle qu’elle est présentée par le puissant théologien Cajetan. En revanche, il est métaphysiquement impossible que la matière soit séparée de la forme, car la matière est pure puissance et ne peut exister sans la forme : c’est la fameuse 9e des 24 thèses thomistes préparées par Saint Pie X et publiées par le Pape Benoît XV. Prétendre que la matière puisse exister sans être informée serait tomber dans l’erreur de Scot et il est significatif qu’un certain nombre de sédévacantistes soient, d’ailleurs, scotistes. On pourrait m’objecter que les cardinaux préparent la matière prochaine de la Papauté, ce qui est vrai. Cependant, quand une matière est proche de l’acte, elle est soit actuée dans l’instant qui suit, soit elle ne l’est pas et dans ce cas, elle cesse d’être une matière prochaine, mais devient une matière lointaine. C’est ainsi que, une fois le vote effectué, le cardinal doyen s’avance vers l’élu pour lui poser la question rituelle: « Acceptes-tu ton élection ?; Acceptasne electionem ? » Dès que l’élu a donné son consentement, il est Pape ; s’il refuse de donner son consentement, il ne l’est pas, mais reste cardinal, car c’est le consentement qui fait le Pape. Voilà pourquoi, supposer, comme le font les sédévacantistes, que le cardinal élu demeure pour un temps indéterminé en matière prochaine d’être Pape, revient à dire que le cardinal en question possède les dépositions qui exigent la forme substantielle sans que ces dispositions puissent de fait, à cause d’un empêchement, être actuées. En d’autres termes, la même matière à est à la fois et sous le même rapport prochaine et lointaine, chose parfaitement inconcevable, car absurde et contradictoire.

6) Il me reste enfin une dernière objection à examiner. Beaucoup ici ne manqueront pas de citer des textes d’illustres théologiens qui envisagent le cas d’un Pape qui cesserait d’être Pape du fait de son hérésie. Je pense notamment aux textes de Cajetan et de Saint Robert Bellarmin. Concernant ces textes, je ferai deux remarques.

a) Ils me semble que les théologiens qui se posent ces questions visent moins à déterminer ce qu’il faudrait faire si une telle éventualité se produisait qu’à préciser les rapports exacts entre le Pape et un Concile. Autrement dit, il s’agit d’une pure spéculation qui a moins pour but de fixer des règles que de comprendre exactement quels sont les pouvoirs du Pape. C’est pourquoi, pour reprendre un langage thomiste, si la possibilité d’un Pape hérétique est possible de puissance absolue, elle ne l’est pas de puissance ordonnée, ce qui signifie que si l’existence d’un Pape hérétique ne contient pas formellement de contradiction et demeure une éventualité, cette éventualité est un pur possible et n’arrivera jamais, car cela serait contraire à la sagesse de Dieu. C’est à mon avis ce que veut dire le Cardinal Billot quand il écrit : « à supposer que soit vérifiée l’hypothèse d’un Pape qui deviendrait notoirement hérétique, l’Eglise serait conduite à de si grandes difficultés que, même si cette hypothèse est possible a priori, Dieu ne permettrait jamais qu’elle se produise. » (Cardinal Billot, De Ecclesia Christi, Rome, 1927, p. 633)
b) A supposer même que cela se produise, dato sed non concesso , peu de personnes ont noté que les théologiens qui envisagent ce cas, l’imaginent tous dans une Eglise saine qui serait capable de se défendre en constatant que le Pape n’est pas vraiment Pape, par la voix d’un Concile notamment. Or, pour tous les sédévacantistes, les Papes en question ont publié des rituels de consécration invalides et nomment donc, depuis quarante ans, des évêques qui ne sont en fait que des laïcs. Un tel cas de figure qui implique la disparition du corps épiscopal ayant la juridiction pour déclarer que le Pape ne serait en fait qu’un imposteur, conduirait l’Eglise dans une impasse, étant donné que cela reviendrait à rechercher une solution dans un eschatologisme nuageux et surtout signifierait que le Christ n’a pas tenu ses promesses quand il nous a dit que le portes de l’Enfer ne prévaudraient pas contre Elle. Pour prendre une comparaison qui serait parlante, là où Cajetan envisage une grippe dans un organisme qui est capable de susciter des anticorps, les sédévacantistes imaginent une tumeur au cerveau dans un organisme voué à une destruction certaine, car ayant perdu toutes ses défenses immunitaires.



Cordialement

Réginald

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La discussion

images/icones/1a.gif Les 5 incohérences du sédévacantisme par Réginald (2005-05-02 21:03:16)
     images/icones/neutre.gif Suite par vivelechristroi (2005-05-02 22:26:46)
     images/icones/neutre.gif Brève réponse par abbé Zins (2005-05-03 01:38:35)