Nouveau message | Retour à la liste des messages
moins de 2 heures moins de 2 heures moins de 24 heures moins de 24 heures  
-> Messages récents
Afficher la discussion

A Thomas (Vatican II, Malachie...) par Petrus (2005-05-04 19:59:35) Imprimer

Mon cher Thomas,

Je réponds à votre post de ce matin avec retard, pardonnez-moi. Les questions se bousculent et il me faut répondre à toutes.

Sur la « rupture » de Vatican II, vous écrivez : « J'ai l'impression que le concile est une tentative pour adapter à l'époque la manière de faire passer le message chrétien, et non une adaptation du message lui-même (…). Du coup, il y a une inflexion mais que je ne vois pas aussi radicale que vous le pensez. »
Je suis au regret de vous contredire. Quand on enseigne la liberté religieuse alors qu’auparavant, cette liberté avait été qualifiée de « contraire à la doctrine de la Saint Ecriture, de l’Eglise et des Saints Pères » (voy. Pie IX, Quanta Cura, § 5), c’est bien qu’il y a un virage à 180 degrés. Voilà d’ailleurs pourquoi le « cardinal » Suenens a pu qualifier Vatican II d’un « 1789 dans l’Eglise ».

Plus loin, vous affirmez : « Dire que tel pape n'est pas le pape, c'est un jugement sur les intentions de ce pape ».
En ce qui me concerne (je ne peux parler qu’en mon nom), vous faites erreur. Mon raisonnement est autre, et il ne fait intervenir aucun jugement au for interne. Je dis : l’église conciliaire n’est pas l’Eglise catholique (parce qu’elle n’a pas la même Foi ni les mêmes sacrements…), donc son chef n’appartient pas à l’Eglise, donc il ne peut pas être pape (« parce que, étant hors de l’Eglise, il ne peut posséder les clés de l’Eglise », dixit saint Antonin). Point final, je ne juge pas les intentions…

Vous poursuiviez ainsi :
« (…) un excès de gentillesse peut motiver les actes de Jean-Paul II. Il n'est pas anormal d'être envahi par la douleur de la division des chrétiens. (…) De même, il n'est pas anormal d'être frappé par la laïcisation du monde.»
Je suis d’accord avec vous. Mais croyez-vous que les papes des décennies précédentes n’ont pas été envahis de douleur face à la division du monde chrétien et face à la laïcisation du monde ? Il est bien évident qu’ils ont, eux aussi, éprouvé une immense affliction et qu’ils ont voulu faire rentrer les choses dans l’ordre.
Mais c’est un enseignement moral primordial : une fin même très bonne ne justifie pas l’emploi de moyens mauvais. Voilà pourquoi les papes des décennies précédentes n’ont pas emprunté la voie de l’œcuménisme. Ils ont voulu combattre la division des chrétiens et combattre la laïcisation du monde en empruntant la seul voie possible : ramener les âmes au bercail, les faire réintégrer l’arche de salut qu’est la seule Eglise catholique.

Concernant la FSSPX et votre éventuel baptême, vous écrivez : « Mais si le Pape est Pape, comme ils le disent (à la FSSPX), alors c'est sous l'autorité certaine de ce dernier que je choisirais mon baptême (…). Et, personnellement, ce risque (de coopérer au schisme) que je n'accepterais probablement pas de prendre avec la FSSPX, je le prendrais encore moins avec des prêtres sédévacantistes pour lesquels la juridiction est encore moins certaine. »
Je loue votre cohérence. Tant qu’on n’est pas convaincu que Benoît XVI n’est pas pape, on doit suivre l’église conciliaire.

Sous le titre : « Le choix du camp », vous affirmez : « Par ailleurs, pour moi, l'Église n'existe pas sans Pape. Ce qui fait que l'Église est différente d'une autre religion, c'est son centralisme. C'est son pape. Il ne faut pas oublier que je ne suis pas catholique. »
Votre première assertion doit être fortement nuancée : que le Siège de Pierre soit ou non occupé — validement s’entend — n’est pas essentiel à l’existence de l’Église. La meilleure preuve est que, dans l’histoire, le Siège romain a parfois été vacant pendant des mois, voire plusieurs années. Lorsque, en l’an 308, Marcel Ier a été élu, son prédécesseur, Marcellin, était mort depuis quatre ans. Autres exemples : plus de deux ans se sont écoulés entre la mort de Boniface IV (615) et l’élection de Déodat Ier (618), entre l’abdication de Grégoire XII (juillet 1415) et l’élection de Martin V (novembre 1417). Or, personne ne songe à prétendre que, pendant ces longs interrègnes, l’Église ou même la papauté auraient cessé d’exister. Car comme l’a écrit le cardinal Franzelin (un théologien jésuite), « il est nécessaire de distinguer entre le Siège et ses occupants » ; et d’expliquer que le Siège, qui a été établi par Dieu comme un droit perpétuel à la primauté, continue toujours d’exister (et avec lui l’Église) même s’il est inoccupé [Voy. Cardinal Franzelin, De Ecclesio, « Exposé sur la perpétuité de la papauté ». Cité par John Daly, Michael Davies. An Evaluation (Britons Catholic Library, 1989, p. 62, n.]. Or, d’après l’adage « plus aut minus non mutant speciem » (un changement de degré n’affecte pas le principe), ce qui est vrai pour une durée de plusieurs mois voire quelques années le reste s’il s’agit de périodes beaucoup plus longues, comme, selon moi, c’est le cas aujourd’hui.
Naturellement, les conséquences de la vacance prolongée du Siège de Pierre s’étalent devant nous (« je frapperai le Pasteur et le troupeau sera dispersé ») : crise sans précédent des vocations (en premier lieu chez les conciliaires), refroidissement de la Foi, désordres multiples, sacres sans mandat, divisions (y compris, je le reconnais volontiers, chez les sédévacantistes) etc. Il va donc de soi qu’en l’absence prolongée d’un Pape, l’Eglise est éclipsée, qu’elle est, en quelque sorte, au tombeau (comme le Christ après sa mort sur la croix). Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’existe plus. Voilà pourquoi je voulais nuancer très fortement votre première phrase.
Par contre j’applaudis ce qui suit. Votre constat est très juste (c’est d’ailleurs lui qui, au siècle dernier, a permis à une grande personnalité de l’église anglicane de se convertir). On peut dire que vous avez déjà le sens catholique. C’est très encourageant pour la suite. Continuez donc vos recherches en priant l’Esprit-Saint qu’il vous éclaire.

Plus loin, vous écrivez : « L'indéfectibilité de l'Église est un sujet difficile à surmonter. Dans votre réponse à Réginald sur ce sujet, vous dites que l'interruption du concile Vatican I par la guerre a peut-être été providentielle pour éviter de promulguer comme dogme une erreur.
Cette réponse est paradoxale, car alors la Providence aurait dû agir tout autant pour éviter le concile Vatican II ».
Vous oubliez, mon Cher Thomas, le « Mystère d’iniquité ». Dans sa deuxième Épître au Thessaloniciens, Paul avait tenu à rassurer ses contemporains au sujet du « Jour du Seigneur » (comprenez : de la fin des temps et du Jugement) qui, contrairement à ce qu’affirmaient certaines rumeurs, n’était pas imminent. Il a écrit : « il faut d’abord que soit venue l’apostasie et que soit apparu l’homme d’iniquité » (II Thes., II, 3). Comment ne pas en déduire que la venue de l’Antéchrist (« l’homme d’iniquité ») sera précédée d’une perte générale de la Foi, même au sein de l’Église (« l’apostasie ») ? D’ailleurs, qu’a dit le Christ à ses Apôtres ? « quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc, XVIII, 8). Et qu’a dit Notre Dame à La Salette en 1846 ? « Rome perdra la foi, et deviendra le siège de l’Antéchrist ». Il fallait donc que le monde apostasie aux temps de la fin et que l’Eglise soit éclipsée ; c’est, à mon avis, le « Mystère d’iniquité ». A l’époque de Vatican I, le moment fixé de toute éternité par le Seigneur n’était pas encore venu. Voilà pourquoi il a pu intervenir pour éviter la promulgation d’un élément hétérodoxe. Il n’en était plus de même dans les années 60. Pourquoi ? Répondre à cette question nous mènerait trop loin. Je me contenterai de vous dire que l’inique paix de 1919 et ses suites n’est probablement pas étrangère à la question.

Maintenant, je réponds à vos questions : :

Q1 : « Puis-je avoir confirmation que le sédévacantisme implique obligatoirement l'arrivée de la fin des temps ? »
Réponse : Pour ma part (mais, là encore, je ne parle qu’en mon nom), je réponds : à vue humaine, oui. Mais on ne peut pas écarter totalement l’hypothèse d’une intervention divine qui restaurerait l’Eglise hiérarchique et monarchique.

Q2 : « Si c'est le cas, ne voient-ils pas une coïncidence avec l'échéance évoquée par saint Malachie dans sa prophétie des papes ? »
Réponse : D’aucuns pensent que cette prophétie, apparue en 1595 seulement alors que son auteur était mort 447 ans plus tôt, en 1148, est une forgerie. Personne n’en a jamais vu le manuscrit original et Arnold Wion, qui le publia en 1595 à Venise, n’a jamais dit où il avait trouvé le texte. Certes, elle comporte des choses troublantes, comme la devise de Benoît XV (1914-1923), « Religio depopulata », qui s’accorde bien avec le fait que la Grande Guerre dépeupla la chrétienté. Mais on « oublie » les devises qui ne peuvent être expliquées, comme, par exemple, celles de Léon XI, de Benoît XIV, d’Innocent XI...
Voilà pourquoi j’évite d’accorder une importance démesurée à ce document.

Q3 : « Et si cette prophétie des papes est avalisée par cette coïncidence, n'implique-t-elle pas que les papes sont papes, puisque faisant partie de la liste des papes de cette prophétie ? »
Réponse : admettons que la prophétie soit vraie, je note que dans la liste, elle comprend huit personnages que l’histoire ne saurait considérer comme des papes, mais bien comme des anti-papes : Victor IV, Calixte III, Pascal III, Nicolas V, Clément VII, Benoît XIII, Clément VIII. Donc cela ne prouverait rien quant à la légitimité de Jean XXIII, de Paul VI et de leurs successeurs.

Remarque pour finir : du XIIIe au XVe siècle, la chrétienté a connu une vague de prophéties. Il était alors courant de dire que le dernier pape aurait comme devise « Pastor angelicus ». Eh bien, cette devise apparaît aussi dans la « prophétie » attribuée à Malachie, et elle est celle de… Pie XII. Loin, donc, de contredire les sédévacantistes, les prophéties, si on leur accorde de l’importance, viendraient plutôt apporter de l’eau à leur moulin.

En toute amitié.
Au plaisir de vous relire, mon cher Thomas.

Petrus.
Ce message a été lisu 169 fois

La discussion

images/icones/1a.gif A Thomas (Vatican II, Malachie...) par Petrus (2005-05-04 19:59:35)